Madame Figaro
About Disconnect
Madame Figaro
About Disconnect
Fascinée par la Salle des douches, aussi connue sous le nom de Salle des pendus, Isabella Hin s’est concentrée sur ce lieu dédié à l’hygiène collective des mineurs, espace emblématique du carreau de fosse. Dans la continuité de ses œuvres précédentes, elle construit une série de photographies autour du bleu de travail, seconde-peau protectrice, bouclier contre les dangers constants.
Durant tout le temps de la commande, l’artiste s’est inspirée de l’héroïsme du mineur qui, quotidiennement, s’enfonce dans les entrailles de la terre. Elle met ici en exergue l’alliance corps-vêtements et évoque, par fragments, l’intensité et la dureté de la tâche. Car le bleu de l’habit renvoie aussi aux traces laissées sur les corps meurtris. Déclinée en variations, dégradée, mouillée, déchirée, la matière synthétise les connotations de deuil et de divin.
(…)
C’est aux alentours de 1900 que prend corps la légende de L’inconnue de la Seine. On parle d’une jeune femme non identifiée qui aurait été retrouvée dans la rivière et dont le visage, immortalisé par un masque mortuaire est devenu célèbre. Le plâtre réalisé de son visage a été multiplié à foison et au point de devenir le visage de la poupée Rescusi Anne, le fameux mannequin d’entraînement utilisé pour la réanimation cardio-pulmonaire. Ce visage employé pour l’apprentissage de l’insufflation en bouche-à-bouche a pris le surnom de “ femme la plus embrassée du monde”.
Dans la perspective d’une Seine qui redeviendrait un lieu de baignade dans un futur proche, Isabella Hin s’intéresse à cette notion de réanimation. Victor Hugo, à propos des égouts, parle d’entrailles, d’artères, d’envers du décor, d’un double intestinal de Paris. Il s’agit d’une bataille contre l’asphyxie qui, comme la Nuit Blanche se déroule dans l’obscurité. Le rapport purifiant, assainissant est très présente dans la discipline de la natation, comme une forme de ré-animation corporelle et psychique.
Pour la Nuit Blanche, Isabella Hin nous immerge le temps d’une nuit dans un milieu sombre et aquatique qui, comme les eaux de la Seine, reste encore à apprivoiser.
Film-Installation with
Le Fresnoy - Studio National des Arts Contemporains
Featuring duo: Camille Zisswiller & Nicolas Lefebvre
Full original audio: Flavien Berger, Studio DOP: Léo Schrepel, VFX: David Rodes
Fight or Flight is an experimental, sensorial, emotional film designed to bring out a sensation of immersion, submersion, going over unusual and unconscious liquid memories shared by the man and the woman who, in turn, perform breast-stroke movements in the air. Going from suspension to immersion and back.
Inspired by the rigorous principles invented by Paul Beulque in Tourcoing in 1913, the swimmers are supported by a swing and plunged into the water where they repeat the swimming movements they previously learned out of the water. This support allows the swimmer to survive in their new environment, suggesting a to and fro between breathing and drowning. The film draws attention to the human inability to breathe underwater and his desire for emancipation by means of swimming and flight.
The emphasis is on division and duality - air/water - joy/sorrow - constraint/freedom - separation/reunion - light/heavy - calm/turbulent - conscious/unconscious - life/death and possible resurrection/transformation. With each immersion the body of one keeps the imprint of the other suggesting a new type of reunion.
Il y a un sentiment de frénésie et d’apaisement dans les photos d’Isabella Hin. Ses images, vulnérables, pures, transparentes comme l’eau - élément qui revient dans son travail - sont d’une grande force émotionnelle. À travers l’abstraction réaliste, le travail sur la mémoire et un imaginaire doté d’une magnifique palette de couleur, cette jeune artiste parvient à s’affirmer et à émouvoir.
Pour Isabella Hin, l’eau symbolise autant une frontière infranchissable qu’un lieu de mixité et de possibilités. Elle est fascinée par le mouvement des fluides et par la gageure que représente la fixation de l’impermanence par le medium photographique. Les tirages de petits formats représentent des mouvements de brasse que l’artiste a dicté à deux modèles, femme et homme pour son film au Fresnoy. Placés sur un tirage bleu sombre qui évoque les profondeurs de l’eau, ces photographies sont comme les images résultantes d’une histoire qui commencent à s’effacer ou se modifier. La mémoire altère les souvenirs en proposant de nouvelles associations tout comme les fluides qui transforment notre perception de l’espace.
Isabella Hin a souhaité mettre en regard de son travail les bons points de Joseph Vignes dit Pépé Vignes. Il en réalise 3000 entre 1971 et 1980 (165 sont conservés au LaM) qu’il offrait en signe d’amour et d’amitié. Nombre de ces bons points représentent des poissons qui flottent sans perspective comme s’ils étaient vus à la surface de l’eau. De même qu’Isabella Hin décortique le mouvement de la brasse avec rigueur, Pépé Vignes réalise des poissons de manière obsessionnelle en employant toutes les combinatoires possibles de couleur.
Installation with
Le Fresnoy - Studio National des Arts Contemporains
Trouble contains only elusive and misleading aquatic images. Immersed in a dark, water-like environment, the viewer is faced with a quantity of visuals whose subjects have been drowned, liquified and transformed. Initially photographs of our natural environment become modified by a liquid that varies from calm to turbulent with a recurrent presence of drops and air bubbles. These full and empty, light and heavy, circular shapes produce trompe-l’oeil effects suggesting flight and depth, oxygen and drowning.
The installation thus depicts an unusual sensation of submersion which is felt once one is underwater: protective, troubling, timeless, confronting the visitor with the complexity of their own thoughts and memories through a mass of unusual elements.
La jeune artiste cherche ce qui, dans les émotions, s’affirme et s’émousse avec l’écoulement du temps. Ainsi, elle convoque dans son travail des moments de vie et des bribes de souvenirs et le regard ne sait s’il assiste à leur surgissement ou à leur disparition. La mémoire se voit apparenter à un espace de l’intériorité, un lieu poreux composé d’états intermédiaires et de réalités négociées.
Un bas de maillot de bain féminin, trempé, a été abandonné sur le carrelage de la piscine. Cliché volé ou mis en scène ? Nous faisons défiler les différents scénarios qui auraient pu conduire à cette photographie. Certains plus angoissants que d’autres. Les portraits d’Isabella Hin sont teintés de dramaturgie. Ses images quasi-liquides nous submergent, elles sont baignées dans la fiction et les souvenirs. Ces principes esthétiques et narratifs traversent toute sa production artistique, comme des rituels.
Constamment dans l’évolution et le mouvement Isabella Hin cherche à refléter les émotions, les rencontres et les évènements qui la traversent à mesure du temps qui s’écoule, comme le courant d’une rivière. L’eau est en effet un fil conducteur dans son travail tant dans le choix des couleurs que dans l’idée d’une temporalité, d’une immensité qui nous submerge. Ne se limitant pas à la photographie, elle use également de l’aquarelle, de la collecte d’objets et de l’édition pour créer des ricochets entre ses différents projets. Fascinée par le pouvoir des images, elle les regarde, les collectionne frénétiquement, pour construire des correspondances visuelles et nourrir sa propre production artistique. Son appareil photo lui permet de conserver les moments qui l’animent, comme autant de traces du passé qu’elle réutilise en les imprimant, les rassemblant dans des livres ou des installations, photographiques à l’image de Disconnect ou Source I, II, III. À travers différents espaces orchestrés en résonance, elle rend ainsi visibles les relations possibles entre son intimité et la mémoire collective.
Le travail photographique d’Isabella Hin est un voyage dans le flux et les soubresauts de la mémoire. Ses photographies, où flottent Ophélies, chevelures sans fin et autres figures de noyé(e)s surgies du romantisme, tentent de rendre la saturation continue des souvenirs: Disconnect déploie l’ensemble des photographies prises par l’artiste pendant un temps donné. Ce geste maximaliste, qui est “photographie inverse” -si la photographie est bien ce rectangle découpé dans le réel (“une photographie prélève dans les images du monde un rectangle”, Jacques Roubaud)- est pourtant le geste de l’hypermnésique qui fait remonter l’ensemble des souvenirs pour pouvoir recommencer à oublier.. et se souvenir. Face à la saturation de Disconnect, la possibilité de l’oubli apparait dans les trous de SOURCE, symphonie intermittente d’objets scannés dans la chambre claire-obscure de l’artiste. C’est au coeur de ce double mouvement qu’opèrent le travail de mémoire et le geste photographique: le rythme continu, chrono-photographique, de l’image ne peut être compris qu’à l’aune de ses disparitions. La mémoire fluide traversée par Isabella Hin n’est peut-être autre que les dizaines de piscines dans lesquelles plongent The swimmer (film de Frank Perry, 1968) pour retraverser son existence: chaque piscine dépassée soude le souvenir précédent, autant qu’il dissocie et écarte.
La photographie se loge ici au creux de cet écart: une chevelure, même sans fin, finit par délivrer les objets qu’elle emprisonne, il suffit de l’agiter “dans l’air comme un mouchoir” (Baudelaire, Les Fleurs du Mal)… De même, des eaux profondes des photographies de l’artiste s’envolent des avions en papier aux formes changeantes, dans une chorégraphie combinatoire de souvenirs.
Installation, 6 × 6 m
proof prints Négatif + of 2012-2015
An imposing installation of 4000 analog proof prints taken during the first three years at Beaux-Arts de Paris. Without edits, they were removed individually from the envelopes they came in when returned from a school exchange abroad. Then decided to create 35 panels of 80 × 120 cm each like huge contact sheets that hang chronologically.
Travel, party, portrait, intimate photographs that were hidden and preserved until this fruition. The singularity of each image is lost in the flow of three years. All presented on the same surface, similar to the gallery of images on a screen.
A flow of images generating a distance and disconnect.
Installation that gathers chronologically all the elements from the wall of my rooms that were taken down in 2015 (Paris), 2016 (Boston), 2017 (Paris). This life-size piece represents a collection of objects, art works, magazine pages, postcards, photocopies that were found, made or given.
They represent 9 years of spontaneous assembling. Seeking to share an intimate space and allowing the viewer the possibility to imagine his own narration.
Like linked mental spaces.
Dans SOURCE, Isabella Hin présente un ensemble hétéroclite d’images et d’objets scannés qu’elle agence comme elle le ferait sur les murs de sa propre chambre. Et c’est bien de ce qu’il s’agit ici: une collection de cartes postales, de photocopies, de pages de magazines et d’objets divers qui étaient accrochés aux murs de sa chambre. C’est avant un grand départ qu’elle a dû tout décrocher et c’est comme cela que lui est venu l’idée de ce livre pensé comme l’extension de cet espace intime. Elle a créé SOURCE comme on fait ses bagages et ce livre-là est une valise. Isabella ne nous montre pas ses propres photographies mais l’origine de ses recherches et de ses goûts. Elle présente un halo de références et d’images entêtantes et tout ce qui, à un moment, a attiré son attention. C’est cela qu’évoque SOURCE: ce geste d’adolescent qui, pris dans une forme de principe de plaisir, collectionne ce qui fait sens pour soi et accroche tout ensemble, s’en entoure et s’y love. Ce geste de l’enfant qui collectionne est le même qui nous anime dans la lecture ou dans la photographie quand notre esprit, notre œil, s’accroche sur un mot, une phrase, un coucher de soleil.
Ce qui nous a attiré devient bientôt obsédant et revient comme un leitmotiv. Isabella s’est prêtée au jeu de son propre esprit, « languissant de vide » comme l’écrit Saint-Simon dans ses Mémoires, à la recherche d’une forme d’inspiration. Que faire ? Par où commencer ? Au lieu de répondre à ces éternelles questions relatives à la création, elle s’intéresse bien plutôt à poser le problème et le livre SOURCE ne se présente pas seulement comme une liste de références inspirantes, il déploie ce qu’est la création : traverser sa propre expérience, être attentif à ce qui nous anime et nous plaît et en ouvrir toutes les possibilités. C’est de là que l’œuvre surgit.
Posant sur le monde un regard éminemment plastique et pictural, Isabella Hin propose des images photographiques qui sont autant de peintures abstraites où les magmas de couleur, les jeux de lumières, les effets de matière évoquent tantôt les embrasements de Jean Fautrier, tantôt ceux de Cy Twombly ou de Zao Wou-ki. Ces torrents, ces crevasses, ces coulées qui envahissent le cadre et font tableaux, elle les a trouvées dans les sous-sols de la Samaritaine où les infiltrations d’eau indiquent la proximité avec la Seine voisine. C’est en parcourant ce monde souterrain et aquatique, puis en découvrant que la Samaritaine tient précisément son nom d’une pompe à eau située jadis sur le Pont-Neuf, que la jeune photographe a décidé de lier le sort du magasin à ces éléments liquides qui disent le délabrement, l’érosion mais aussi la source et le recommencement.